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«Solutions techniques à des problèmes théoriques » / Gael Charbau

 

Vincent Mauger est-il fasciné par les paysages les plus bucoliques de nos campagnes ou bien par les rendus glacés des dernières technologies numériques ? Est-il un personnage romantique dont les œuvres seraient autant de survols et de clichés de la surface de la terre, ou un géologue qui exploiterait minutieusement la moindre faille, la moindre courbure d’un paysage dont il semble le seul à savoir régler l’instrument de mesure ?

On croit avoir décelé en lui l’architecte recherché pour son entreprise démesurée, capable d’investir, d’arpenter et de métamorphoser tous les espaces d’art qu’on lui propose, et voilà qu’il réalise une vidéo étrangement drôle, et distante aussi, sur sa propre activité d’artiste-ouvrier-ingénieur : comme encerclé par sa pratique, perché sur une table qu’il découpe à la tronçonneuse et dont il ne reste finalement  plus qu’un pied, l’artiste reste seul et debout, vivant au milieu du bois scié. Certes, ceux qui le suivent savent qu’il maîtrise parfaitement l’art de répondre, en trois dimensions, aux questions qu’on ne lui a pas posées. Et souvent, avec humour. On interprétera ainsi  avec plaisir et selon plusieurs hypothèses la photo de la tonsure de l’artiste, qui répond à celle de 1919 de Duchamp ; cette fois il ne s’agit plus d’une étoile mais d’un « A » dans un cercle, celui du fameux sigle de l’anarchie. Mauger anarchiste!

Cette photo est pourtant en différents points significative de ce qui travaille les œuvres de l’artiste en profondeur et en particulier ses sculptures : toujours extrêmement séduisantes, elles semblent issues des méthodes numériques et scientifiques de représentation du monde et de modèles complexes. Mais les « pièces » de Vincent Mauger parlent néanmoins toujours de l’absence de lois, de règles, de certitudes, et manifestent toujours leur farouche volonté d’échapper à la représentation. Elles sont en quelque sorte anarchiquement « elles-mêmes », elles sont leur propre nécessité, et c’est donc avec un subtil dérapage interprétatif qu’il faut les rapprocher des modèles mathématiques ou autres logiciels de dessin vectoriel qu’elles ne manquent pas d’évoquer. Certes il est inévitable de supposer que l’artiste lui-même ressent une certaine fascination pour ces technologies... mais ce qu’il en fait -son implication physique notamment, la nécessité qu’il ressent à y projeter son corps, à s’impliquer musculairement dans l’effort qui les érige- ramène chacune de ces pièces à une histoire presque traditionnelle de la sculpture.

Et ce ne sont pas les matériaux choisis qui diront le contraire : Vincent Mauger fréquente les grands magasins de bricolage avec des gants en velours : il sculpte des lames de pvc, des tiges en inox, des plaques d’aluminium ou des tuyaux de gouttière avec une équivalente dextérité, il les délivre d’un destin tristement utilitaire, pour une vie de quintessence...

En trouvant des « Solutions techniques à des problèmes théoriques » et non l’inverse, il garde sur nous -quel privilège!- une inconnue d’avance.

Gaël Charbau.

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