top of page

 

L’architecture de l’esprit

Par Léa Chauvel-Lévy

 

Les espaces architecturés de Vincent Mauger fonctionnent comme des terres de projection. La sienne d’abord puisque ses alvéoles agissent comme autant de cellules d’un espace mental. Celle des autres ensuite, car on s’y plonge comme on se plongerait dans l’esprit humain. C’est ainsi à une forme de dualité entre architecture et organique que le regard se trouve. Une matérialisation d’une pensée en acte.

Ses métastructures illustrent ainsi le cheminement, à nu, de son créateur.

Métal, carrelage, bois, verre, les matériaux utilisés sont tous détournés de leur fonction première. C’est le cas des parpaings qui d’ordinaire assurent les soubassements d’une construction et sont généralement recouverts, masqués. Ici, ils sont exacerbés, en première ligne et constituent l’œuvre elle-même. Ils sont ainsi

là pour illustrer les jalonnements d’un raisonnement qui s’échafaude sous nos yeux.

On peut ainsi émettre l’hypothèse que le regardeur est mis nez à nez face à l’extension du domaine cérébral de l’artiste. Ainsi de ses tubes et écailles en aluminium et inox poli qui se tiennent comme autant de soldats devant une porte d’entrée. On peut y voir là l’expression de l’incertitude face à l’inconnu. Que trouvera-t-on derrière cette porte ? Une nuée de questions peuvent se poser avant de pénétrer un espace à la fois fermé et ouvert. En plaçant cette œuvre devant cet endroit stratégique, il lui confère une aura symbolique.

Son installation d’envergure in situ dans la Chapelle des Calvairiennes à Mayennne est à cet égard représentative de la contamination d’un espace par l’imaginaire. Le sol jonché de millier de briques offre un nouveau paysage, faisant entrer dans un lieu sacré, l’idée de la nature. Les briques disposées de façon à ce que collines et monts se forment invitent à l’abstraction. C’est la force de cette œuvre : offrir un chiasme entre deux idées, celle de l’institution religieuse et celle du monde séculier. Cette œuvre réinterprétée au centre d’art La Maréchalerie à Versailles, offrait son pendant, en creux. Les briques étaient cette fois disposées de sorte qu’elles ouvrent sur des abîmes. Plus de collines et de monts, mais des cratères, des gouffres, des béances. L’espace ainsi recréé changeait de statut. C’est face à un sol mouvant que l’on se tenait, incertain. L’architecture du lieu investi par Vincent Mauger mute irrémédiablement et détient à chaque intervention, une nouvelle nature.  

Comme ces éléments en polystyrène qui semblent être une excroissance d’un balcon. Ou encore ces casiers à bouteilles qui recouvrent intégralement un plafond. Les œuvres de Vincent Mauger reconfigurent les espaces, les contaminent, tels des essaims d’abeilles venus se greffer à une cheminée. Ils sont le prolongement organique d’une architecture mais, chose passionnante, par le biais de matériaux généralement associés au BTP ou à l’univers de la construction. L’œuvre présentée par Abstract Room l’illustre à merveille : elle déjoue les courbes rectilignes naturellement associées au vocabulaire des briques et confère une malléabilité et une plasticité à la rigidité. Un défi lancé à l’architecture, pour la plier, la tordre, jouer avec elle. Produit de l’esprit humain, l’architecture est ici réinvestie sous son angle le plus conceptuel.

 

 

 

Léa Chauvel-Lévy

bottom of page