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Vincent Mauger, la sculpture renaissante / Alexandrine Dhainaut

 

Equilibre précaire
Les sculptures de Vincent Mauger ont la sophistication des choses simples : ce sont des formes basiques, le plus souvent courbes ou rectilignes ; ce sont des œuvres graphiques, de petit, moyen, ou grand format, jusqu’au monumental, qui oscillent entre la concision de l’objet autonome et l’étendue d’un paysage ; ce sont des matériaux à l’apparente fadeur, que l’on pourrait qualifier de pauvres (casiers à bouteilles, bacs ou tuyaux plastiques, parpaings, briques), ou bruts tels que le bois, l’acier, l’aluminium, le contreplaqué ou le mélaminé. L’artiste part de leurs qualités intrinsèques, compose avec leur rigidité, leur friabilité ou leur souplesse, les sublime par diverses opérations de brûlure ou de découpe, grossière ou maniaque selon les cas, et par un habile assemblage, les élève au sens strict en structures qui deviennent finalement formes. De ces sculptures posées à même le sol ou suspendues émanent une certaine poésie, un romantisme de l’objet esseulé, comme échoué, et une harmonie indéniable. Mais la précarité de ces sculptures autoportées dégagent également une forme de tension, d’autant plus sensible lorsque les bords sont saillants et les équilibres vacillants (pour s’en convaincre, il suffit de regarder la performance filmée de l’artiste funambule debout sur une table tandis qu’il la débite à la tronçonneuse). Il y a aussi chez Vincent Mauger cette hyper physicalité de la sculpture, surtout quand elle est monumentale ou lorsqu’elle se déploie en paysage, masse rocheuse ou portion de territoire imaginaire nous entraînant dans un certain vertige/vestige d’un temps indéterminé. 

 

Marqueterie contemporaine
Proche de l’abstraction d’un Richard Deacon, Vincent Mauger est pourtant avec Raphaël Zarka le plus renaissant des contemporains. Si ce dernier jeta son dévolu sur le rhombicuboctaèdre, tout chez Mauger ramène au sujet fondamental de l’histoire de l’art : la perspective. Par l’aspect extrêmement graphique de ses projets, les jeux de pleins et de creux, de planéité et de relief, de profondeur de champ et d’échelles de plans, par la notion de paysage ou la question du point de vue et des lignes de fuite (problématiques que l’on retrouve également dans ses lithographies ou ses photographies), le travail de Vincent Mauger se rapprocherait du noble art de la Renaissance italienne que fut la marqueterie. Notamment dans sa capacité à faire illusion par la construction d’espaces linéaires, droits ou courbes (aidée par la modélisation 3D), et à introduire du rythme dans le vide par la répétition d’un même module géométrique. Abordé sous cet angle, on trouve alors une réponse à l’obliquité des sculptures. Le guingois est à Vincent Mauger ce que les livres penchés ou les portes entrebâillées furent aux marqueteurs : l’occasion de complexifier la représentation, la jubilation ludique à créer sans cesse des « va-et-vient entre le réel et le virtuel » . 

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